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, Ouvre une nouvelle fenêtreLes communes d'Angers Loire Métropole repensent leur manière de planter en ville en privilégiant des espèces frugales et plus résistantes aux dérèglements climatiques. Un travail au long cours indispensable pour l’avenir du territoire.
Fini les bégonias et les pétunias gourmands en eau. Terminé les charmes et les bouleaux trop sensibles à la sécheresse. Les communes d’Angers Loire Métropole repensent progressivement leur manière de concevoir et d’entretenir leurs espaces verts (massifs, parcs, jardins et squares) dans le but de préserver l’eau et de s’adapter aux dérèglements climatiques. Le renouvellement des gammes végétales fait partie du plan d’adaptation au réchauffement climatique d’Angers Loire Métropole, adopté en 2023. Sont désormais privilégiées les vivaces, plus sobres et douées d’une grande longévité.
La commune des Ponts-de-Cé favorise, par exemple, des plantations d’herbes aromatiques libres à la cueillette ou de plantes succulentes, type cactus, qui ne nécessitent aucun arrosage. Les paysagistes, à Angers et dans l’agglomération, apportent aussi une attention particulière à la composition des sols. Ils sont souvent recouverts d’un paillage qui permet de garder l’humidité et de limiter l’évaporation de l'eau de la terre. Lors de la composition d’un aménagement paysager, les professionnels veillent aux bonnes associations : faire en sorte que les végétaux plantés côte à côte aient les mêmes exigences de sol et des besoins similaires en eau, sous peine de favoriser les maladies.
Autre levier essentiel : la tonte différenciée. Certaines pelouses sont laissées en prairie, comme avenue Jeanne-d’Arc, à Angers. L’herbe haute retient davantage l’eau de pluie. "Nos zones d’intervention se réduisent pour que la nature reprenne ses droits, explique Robert Desoeuvre, adjoint à la Transition écologique aux Ponts-de-Cé. Ce n’est pas un manque d’entretien mais une démarche écologique." La nature réapprend ainsi à se débrouiller seule : le parc des Maisons rouges, aux Ponts-de-Cé, vit sans arrosage tout comme le parc Balzac à Angers. L’avenue Jeanne-d’Arc, quant à elle, demande très peu d’eau potable. Les noues drainantes deviennent des indispensables. Les trottoirs de l’allée des Châtaigniers, à Avrillé, ont été remplacés par ces fossés végétalisés, peu profonds, qui permettent une meilleure infiltration de l’eau dans le sol. Idem, les forêts urbaines, comme celle de Grésillé à Angers, ou celle en cours de plantation (environ 6 000 arbres et arbustes) à Avrillé, sont de véritables éponges, capables d'absorber la pluie afin de pousser en toute autonomie.
Bonnes pratiques
Pour nourrir leur réflexion et appuyer leur action, les communes comptent sur les forces vives du territoire. La communauté urbaine bénéficie de l’expertise des professionnels, chercheurs et formateurs qui gravitent autour de Vegepolys Valley, pôle de compétitivité du végétal.
Angers Loire Métropole organise aussi des réunions techniques entre les villes et les membres de Plante et Cité. Cette association d’envergure nationale, créée à Angers, spécialiste de la nature en ville, diffuse bonnes pratiques et résultats de recherche pointus. "Plante et Cité est un formidable accélérateur de connaissances et de mise en pratique de nouvelles façons d’appréhender notre environnement, estime Caroline Houssin-Salvetat, vice-présidente en charge des Parcs et jardins communautaires et de la Biodiversité. Nous avons la chance d’être entourés d’experts pour nous aider à sélectionner les espèces les plus adaptables à la ville de demain."
Depuis le plan Territoire intelligent en 2020, une partie de l’arrosage des plantes dans la ville d’Angers est centralisée. Plus besoin de faire le tour des bouches d’eau pour les régler une par une. Elles sont désormais contrôlées à distance. La gestion est donc plus précise et plus rapide. L’arrosage centralisé est déployé dans les parcs très consommateurs d’eau comme le jardin des Plantes, du Mail ou l’arboretum Gaston-Allard. À l’inverse, sont aussi équipées les zones vouées à être sevrées dans un futur proche. L’apport en eau est diminué progressivement pour habituer les arbres et arbustes à aller puiser la ressource en profondeur dans le sol et à ne plus dépendre du réseau potable. Parmi la trentaine de lieux concernés, les paysages de voirie comme ceux des boulevards Daviers, d’Estienne-d’Orves, d’Arbrissel, la plaine de jeux Saint-Augustin, le jardin de l’Arceau, le square du Point-du-Jour, le square du Petit-Verger, le jardin Georgette-Boulestreau… Deux ou trois années sont nécessaires pour rendre ces espaces autonomes, sans perdre de végétaux.
Au litre près
En parallèle, quelque 220 sondes tensiométriques régulent l’arrosage des jeunes plants pendant les trois premières années de leur vie, le temps de développer leurs racines. Ces appareils sont positionnés à différents endroits de la motte racinaire de l’arbre. Une alerte se déclenche quand le taux d’humidité n’est plus suffisant. Cette technologie a déjà permis de réduire drastiquement la mortalité des jeunes plants. Les sondes indiquent au litre près la quantité d’eau à déverser. Aux Ponts-de-Cé, les sondes tensiométriques sont disposées dans les stades pour les arroser seulement si nécessaire et avec un volume précis.
Quelles espèces résisteront au climat futur ? L’étude Sésame a pour mission de répondre à cette épineuse question. Le Cerema, institut de recherche relié au ministère de la Transition écologique, travaille en partenariat avec Angers Loire Métropole pour sélectionner les gammes végétales les plus résilientes. Celles de taille à surmonter la sécheresse, les fortes pluies ou le grand froid, celles capables d’affronter des microclimats, des sols qui évoluent, tout en abritant une biodiversité suffisamment diversifiée. Pour ce faire, l’organisme passe au crible 250 essences d’arbres et d’arbustes.
Le Cerema croise des études scientifiques issues de la recherche nationale et internationale avec les observations de terrain, transmises par la direction Parcs et jardins de la Ville d’Angers et d’Angers Loire Métropole.
“Notre responsabilité”
Chaque essence fera l’objet d’une fiche descriptive qui détaillera son placement idéal dans la ville, sa résistance aux phénomènes météorologiques, sa capacité d’adaptation aux différents sols et sa fragilité aux maladies. Ces observations sont attendues en 2025. Elles seront ensuite partagées aux communes de l'agglomération. "C’est notre responsabilité de diffuser les informations du Cerema au plus proche des villes, à la fois aux services techniques pour qu’ils puissent s’en emparer, mais aussi à la population pour qu’elle mesure l’importance de cette étude dans leur environnement quotidien", indique Caroline Houssin-Salvetat, vice-présidente en charge des Parcs et jardins communautaires.
Des tests de variétés végétales sont réalisés dans l’hypothèse de remplacer, un jour, les pelouses des voies du tramway. "Tant qu’on peut faire vivre ces espaces de manière naturelle, sans trop d’arrosage, on n’y touche pas, précise Corinne Bouchoux, vice-présidente en charge de la Transition écologique. Ces tests doivent offrir la possibilité de renoncer au gazon si le coût environnemental devient trop important. Pour l’instant, c’est une démarche pédagogique, une manière de montrer que l’on peut faire autrement en cas de besoin. C’est bien de l’anticiper." Au terminus Roseraie (Angers), deux plantations de variétés méditerranéennes sont à l’essai depuis 2023 avec une suppression définitive de l’arrosage sur cette section.
Une seconde expérience a débuté la même année au terminus Ardenne (Avrillé) où quatre variétés végétales différentes ont été semées grâce à la méthode d’ensemencement hydraulique. Elle consiste à projeter sur le sol, grâce à un appareil spécial, un mélange de graines, d’engrais, d’eau et de fibres de bois. Ces copeaux retiennent l’eau et permettent aux semences de mieux adhérer au sol. La végétation pousse ainsi plus vite.
L’économie d’eau réalisés depuis 2020 à l’échelle de la ville d’Angers grâce au renouvellement de la gamme végétale et à l’arrosage intelligent. Les Ponts-de-Cé, quant à eux, ont pu diminuer de moitié leur consommation d’eau depuis deux ans.
Le nombre de sondes tensiométriques installées au pied des jeunes arbres pour leur apporter la quantité d’eau nécessaire, à la bonne fréquence, dans les premières années de leur vie.
Le nombre d'essences différentes étudiées dans le cadre du programme Sésame mené par le Cerema, en association avec Angers Loire Métropole. Cette enquête vise à déterminer quelles espèces résisteront le mieux au climat futur.
Corinne Bouchoux, vice-présidente en charge de la Transition écologique
Comment le végétal est-il au coeur des réflexions sur l’eau et vice-versa ?
Nous sommes à l’épreuve de deux problématiques. D’abord, le manque d’eau pour les jeunes végétaux. Nous sommes confrontés à la difficulté croissante de les faire vivre. Ensuite, on se retrouve à quelques semaines près avec le problème inverse, à savoir le trop plein d’eau. Ce contexte amène à cette question : que choisir comme végétation pour le futur ? C’est un vrai défi pour les aménageurs de demain. Face à ces dérèglements climatiques, nous devons trouver des végétaux résilients.
Qu’est-ce qu’une ville résiliente ?
C’est forcément une ville où le végétal tient une place importante avec des effets collatéraux comme la gestion des allergies ou l’impact racinaire d’un arbre. La difficulté d’une ville est de faire cohabiter tous les usages, les modes de déplacement et de coordonner des besoins en eau différents. Par exemple, si vous avez une piste cyclable à côté d’un arbre, aux propriétés idéales pour retenir l’eau mais aux racines envahissantes, cela complique la donne. La ville de demain est complexe à penser car elle est forcément composée d’une multitude de paramètres qu’on doit gérer ensemble.
Le plan d’adaptation au changement climatique sert de guide ?
Si on veut survivre au changement climatique, l’atténuation – limiter les gaz à effet de serre dans notre activité quotidienne – est une voie. L’adaptation – comment faire face – en est une autre. C’est l’idée que les végétaux sont les alliés de la ville. Les arbres font partie de notre environnement et sont bénéfiques pour nous. La nature n’est plus seulement décorative, elle est intégrée à la ville, capable de la ressourcer et de la nourrir. C’est une autre conception à laquelle il faut s’habituer. C’est une façon de revoir son rapport au vivant.